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Le Classeur C.COM

Depuis les trente dernières années, les techniques de neuro-imagerie, l’essor des sciences cognitives et de la linguistique ont construit une connaissance approfondie de l’origine et de la nature des troubles aphasiques, et de l’organisation du langage. Dans le domaine de l’aphasiologie, ils permettent actuellement aux techniques de rééducation du langage d’atteindre une précision de haut niveau.
Mais le développement rapide des sciences et des techniques a ouvert un nouveau champ d’intervention dans le domaine de la réadaptation de la communication, en intégrant les interactions de la personne malade dans son environnement.
L'effort de réadaptation de la personne aphasique s’appuie désormais sur de nouveaux outils issus de la numérisation des informations, et tout particulièrement dans le domaine de la photographie numérique. L'ordinateur et le traitement numérique de l'image ont permis la construction du support de communication C.COM destiné aux aphasies sévères.

Ce classeur de communication, d'où vient-il ?

Entre les années 1975 -1980 est arrivé un constat : les limites des prises en charge du patient aphasique uniquement centrées sur le trouble linguistique. Les approches cognitives, puis fonctionnelles et psychosociales se sont développées. Elles abordaient la réadaptation en intégrant les capacités préservées mobilisables et en analysant la situation de handicap pour entrer dans la dimension palliative.
L'efficacité des performances linguistiques a été replacée dans le contexte de la communication, au delà et en dehors de la situation d'une séance de rééducation, pour regarder vers l'efficacité concrète de la conversation. La porte du bureau de l'orthophoniste s'est ouverte, pour aller accompagner le patient dans ses pas quotidiens, aller au contact de son environnement, pour laisser entrer son entourage relationnel, familial, en lien étroit avec les autres partenaires institutionnels.
Il s'est opéré alors un re-centrage sur le patient, ses capacités, ses attentes, ses besoins, sa qualité de vie, et son environnement.
A partir de ce moment, un nouvel éclairage s'est ouvert, orienté sur la communication : les interlocuteurs et les interactions entre intentions et interprétations, les canaux utilisables, la nature des transactions et leur circulation dont dépend l'efficacité des échanges.

Il s'est ouvert sur l'aidant, sur l'adaptation de l'environnement et la création d'outils spécifiques dans la prise en charge des patients aphasiques, mais également dans la réadaptation des troubles cognitifs et notamment de l'amnésie.

Cette démarche nouvelle autour de la communication réunissait nos préoccupations professionnelles : médecin, orthophoniste, psychomotricienne, kinésithérapeute, ergothérapeute, autour d'un projet de réadaptation fonctionnelle.
Il s'agissait de créer un outil adapté aux troubles aphasiques, visant l'efficacité pragmatique de la communication en situation concrète :

  • Pour pallier la déficience consécutive aux troubles de la communication que rencontrent les patients aphasiques, et ses préjudices dans la vie quotidienne. 

  • Pour aider à lever les impasses de communication

  • Pour rendre possibles des échanges fonctionnels spontanés, pour que la personne aphasique comprenne et participe aux choix qui le concernent, pour obtenir le consentement éclairé du patient face à son projet thérapeutique. 

  • Pour soutenir l'envie de communiquer.

  • Pour travailler à une meilleure qualité de vie : maintenir absolument le lien avec l'environnement, restaurer l'image de soi et redonner au patient un statut personnel, familial et social au sein du monde des communicants. 

  • Avec le projet d'y travailler avec l'entourage institutionnel et familial.

 


Ses objectifs ?

Pallier les déficiences de l'expression et de la réception des messages rencontrés par la personne aphasique et son entourage (7). Il s'agit alors de passer par une représentation directe de l'idée-cible pour conduire par pointages à l'identification du sens du message à transmettre ou entendu. La connaissance des perturbations spécifiques, liées à cette pathologie si surprenante, est indispensable pour conceptualiser un support palliatif adapté.


Un système de représentation permettant une lecture directe : la photographie.
Les photographies permettent d'associer plusieurs avantages. Elles permettent au patient aphasique et à son interlocuteur un accès immédiat, intuitif, à la cible représentée. Pour le patient, elles assurent une transparence de lecture de l'item, en évitant le recours à l'analyse déductive ou la combinaison d'indices sémantiques ou conventionnels : pas de code de manière à rester au plus près des capacités résiduelles du patient aphasique. (1)  Pallier des déficiences, ici liées à l'aphasie, en outillant les protagonistes signifient adapter l'outil au patient et non pas demander au patient de s'adapter à la solution proposée ! (7) Pour l'interlocuteur pas de lexique à apprendre, l'accès est direct de manière à viser une grande facilité et simplicité d'utilisation.
Les photographies devaient pouvoir être rassemblées au sein d'une banque ouverte d'items accessibles à l'infini pour permettre des créations multiples en visant notamment d'autres pathologies (amnésies, démences par exemple).
Elles devaient permettre la création d'un imagier facilement accessible par l'utilisateur. 


La forme du support : plusieurs principes
- Faciliter la manipulation : rester en dessous de 15 items par planche et sélectionner l'ordre des catégories affichées dans la forme de base.
- Travailler le degré de représentativité des items choisis et photographiés à travers une image prototypique sans ambiguïté pour une population adulte. Le lien culturel apparaît ici avec évidence.
- Découper les photographies, afin qu'elles se détachent sur un fond uniforme : la feuille blanche, sans autre élément distracteur ou perturbateur ni arrière plan ni fond coloré, pour un accès direct au sens de l'item
- Ne mêler aucun texte aux planches photos : l'attrait du texte écrit, lié à une atteinte du déchiffrement littéral et sémantique, perturbe immanquablement l'analyse du sens de la photographie par un patient aphasique.
Optimiser l'attention aux items et l'exploration des planches par les patients présentant des difficultés d'exploration visuelle dans l'hémichamp droit. 

- Permettre une communication ouverte, permettre une construction de sens la plus large possible par les interlocuteurs en se détachant d'intentions sous-jacentes et de codes pré-établis : s'appuyer sur  la dimension paradigmatique des photographies et la créativité des intervenants de l'échange.  Le support ne doit pas être un kit standardisé. Les planches ne doivent pas être déjà organisées  pour un échange pré-construit. Coder l'organisation d'une planche c'est imaginer une forme "prête à penser", forcément réductrice. Cet écueil est si souvent rencontré dans les supports existants, laissons l'échange librement ouvert, et faisons confiance à la créativité des interlocuteurs ! Offrons leur tous les choix possibles.


 

Pour quel résultat ?
Le C.COM se présente sous la forme d'un classeur papier imprimé ou de dossier importés sur une tablette numérique.
Ce classeur utilise la photographie numérique traitée par ordinateur.

La souplesse de l'outil informatique permet facilement de réutiliser une forme de référence stockée. Son objectif premier est d'apporter les modifications visant des adaptations multiples et indispensables à l'évocation des thèmes spécifiques des échanges, pour construire un classeur personnalisé.
Les planches sont regroupées selon des catégories sémantiques (7)
L'organisation spatiale des photos cible un objet central et les autres en satellites dès que la planche s'y prête.
Les textes sont regroupés sur une page séparée. 
Les planches photos sont placées à gauche et les planches texte correspondantes à droite.
Les 4 premières rubriques sont disposées selon l'ordre chronologique des activités de la journée. La rubrique TEMPS, très utilisée, est placée à la fin du classeur : elle est ainsi également facile d'accès.

 


PHRC APHACOM 2008-2012 (5) (6) :

 

Le classeur C.COM avait apporté ses preuves en pratique clinique.

 

Un Protocole Hospitalier de Recherche Clinique (2008-2012) a évalué son efficacité.

Il s'agit d'un essai comparatif, multicentrique, randomisé, prospectif, de supériorité, comparant un groupe expérimental équipé d'un classeur de communication personnalisé et entraîné à son utilisation, à un groupe témoin sans classeur pendant toute la durée de l'étude.

Les deux groupes ont bénéficié d'une rééducation orthophonique équivalente par ailleurs.

Les partenaires institutionnels ont été formés à l'utilisation de l'outil.

Le critère de jugement principal reposait sur le test pragmatique des 6 tâches comportant des consignes arbitraires. L'efficacité de la communication a été mesurée par l'évolution de tâches réussies entre trois visites espacées de 45 jours chacune : J0, J45 et J90.


Résultats : 
Critère de jugement principal : les résultats confirment la performance du support. L'outil C.COM adapté a montré son efficacité dans la transmission d’informations entre une personne aphasique sévère et un partenaire entraîné à son utilisation, dès son installation au J0 et avant même le départ de la procédure d'entraînement appliquée au patient et à ses aidants

La photographie a montré ici sa pertinence dans le cadre de l'aphasie, et son efficacité lorsqu'il est manipulé par des interlocuteurs formés et actifs dans son utilisation.

PDF : PHRC APHACOM  pour plus d'informations sur la démarche de validation et les résultats

 

Pour construire installer et utiliser un support de communication en institution, en centre de rééducation et réadaptation, au sein de la famille, des formations existent. Pour connaître les dates et les thèmes  (des formations plus générales sur l'aphasie, ou des formations directement centrées sur la réadaptation pragmatique de la communication, ou sur les systèmes palliatifs de communication) contactez nous

Elles sont construites à destination des professionnels de la santé

Prochaines formations ciblant la construction, l'installation, l'utilisation d'un outil de communication et l'accompagnement des partenaires organisées en 2021 par I. Gonzalez, orthophoniste :

 

 

       Besançon : les 4 et 5 juin 2021

       Montpellier : Communiquer malgré l'aphasie : courant pragmatique et classeur de communication FIF-PL et DPC les 29 et 30 octobre 2021

Et pour aller plus loin :  

1. BRUN V, TETU F., KUNNERT JE, D'ANGELI M, PELISSIER J. Communications alternatives : pictogrammes, aidé par le langage gestuel. MAZAUX JM , BRUN V , PELISSIER J In : Aphasies 2000. MASSON, PARIS, 2000 ; 48 : 102-110.

2. CHARTON-GONZALEZ I., PETIT H., BOLINCHES C., MUNIER N., GARNIER J.Y., GAUJARD E., MONTERO C. Construction et pertinence d'un instrument palliatif de communication. In : Ann Réadaptation Méd Phys. SOFMER Bordeaux 2001 ; 44 : 448.

3. CHARTON-GONZALEZ I., MUNIER N., PETIT H., GAUJARD E., MONTERO C. Approche palliative des troubles de la communication : le C.COM, récit d'une expérience. In : Bichat Entretiens d'orthophonie, ESF 2004 : 145-155.

4. CHARTON-GONZALEZ I., PETIT H., MUNIER N, .GAUJARD E. Aspects pragmatiques de l'installation de l'outil palliatif de communication CCOM dans un établissement de Médecine Physique et de Réadaptation Fonctionnelle. In : Actes du VIII Congrès Transpyrénéen de Médecine Physique et de Réadaptation 2005 : 64.

5 GONZALEZ I. , DR PETIT H., DR MULLER F., DR DAVIET JC, DR TRIAS J., DR DE BOISSEZON X., MARCHETTI S., PR JOSEPH PA., . Le cahier de communication C.COM dans les réparations de la communication de l’aphasie vasculaire sévère . Ann Readaptation Med Phys. SOFMER Toulouse - 2012.

6. GONZALEZ I, MARCHETTI S, PETIT H, MUNIER N, JOSEPH PA. Démarche de validation d’une approche réadaptative de la communication dans l’aphasie sévère : PHRC APHACOM . In : Rééducation Orthophonique Recherche en orthophonie-logopédie et identité professionnelle, 2014 ; 257 p. 143-153

7 GONZALEZ I., BRUN V. Communications alternatives et suppléances fonctionnelles. In Aphasies et aphasiques. MASSON 2007.

8. SACCC sur www.saccc-lennox.com : un autre outil de communication également non standardisé.

9. SERON X., DE WILDE V., DE PARTZ M.P., PRAIRIAL C., JACQUEMIN A. Les carnets de communication. In : Questions de logopédie 1996 ; 33 : 153-187.

10. WIROTIUS JM. Quelle place pour les sciences humaines et sociales en réadaptation ? In : Entretiens d'orthophonie BICHAT. Expansion scientifique française 2004

 

11. Isaac Francophone. Moyens alternatifs et augmentatifs de communication. Fiche descriptive du C.COM

http://www.isaac-fr.org/index.php/outils-de-communication-alternative/90-tableaux-de-communication/207-classeurs-concus-pour-personnes-avec-aphasie-mais-adaptables-a-dautres-personnes

 

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