Installation d'un support imagé de communication : fils conducteurs
Quel que soit l'outil palliatif imagé de communication, des règles de mise en place sont indispensables dans le cadre de l'aphasie. Voici notre expérience :
Pour une personne aphasique :
Faisabilité (5) :
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Capacité d'accès visuel au sens de l'objet : elle permet l'identification sémantique de l'objet photographié. Nous disposons du Protocole d’Évaluation des Gnosies Visuelles (appariements fonctionnels et catégoriels) - PEGV désormais en libre accès sur la toile
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Qualité du stock structural des objets de référence : elle permet de déterminer si la personne aphasique a accès au sens d'une image . Nous disposons de la Batterie de Décision Visuelle d'Objets - BDVO publiée à l'OrthoEdition
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Être en mesure de comprendre une validation ou un refus : lorsque nous pointons, l'accord ou le désaccord de la personne aphasique avec la cible que nous avons pointée doivent être clairs. Le "oui" et le "non" doivent être identifiables et reproductibles.
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Motivation à communiquer : un refus actif de communication conduira vers une étape préalable d'accompagnement vers le rétablissement indispensable du désir d'un partage et d'échanges.
Évaluation de la nature des ajustements :
Afin de rester au plus près des capacités résiduelles du patient aphasique et de s'y adapter :
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Vérifier l'orientation du regard sur la cible pointée
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Vérifier la stratégie d'exploration visuelle d'une planche,
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Évaluer les capacités de pointage intentionnel, les aptitudes à catégoriser (quelles seront ses capacités à rechercher la photo-cible de son message ?)
Ces éléments fournissent des indications précieuses sur la nature et l'intensité du soutien à apporter par l'interlocuteur dans l'utilisation du classeur. Ils permettent d'anticiper sur le degré d'indépendance prévisible de la personne aphasique dans l'utilisation autonome du classeur.
Au sein d'une CRF :
Au sein de la structure d'accueil, deux formes peuvent être créées à partir du classeur de base du C.COM. (3)
La forme adaptée à l'établissement :
A proposer d'emblée, sans attendre :
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ni l'échec des méthodes traditionnelles de rééducation du langage,
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ni la récupération d'un apraxie, d'une héminégligence,
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ni le deuil du langage oral,
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ni que s'installe l'échec à communiquer !
Un exemple :
Dès l'arrivée du patient nous lui proposons d'accéder à une représentation de son emploi du temps hebdomadaire (planche adaptée sur laquelle le texte écrit est remplacé par des illustrations : photos des rééducateurs, horloges et aiguilles indiquant les horaires).
Une horloge en carton avec aiguilles mobiles peut être placée dans sa chambre.
Certaines planches du classeur adapté à la structure sont mises à sa disposition selon ses besoins et ceux des partenaires institutionnels (et notamment planches de traitements : médicaments, soignants, rééducateurs, lieux de traitements, réglette visuelle analogique d'évaluation de la douleur C.COM adaptée aux patients aphasiques, objets de la toilette).
En attendant la création de ces planches adaptées, le classeur spécifique du poste de soins est installé dans la chambre du patient par un membre de l'équipe soignante : il permet d'emblée la circulation d'informations qui le concernent et en lien avec sa vie dans l'établissement.
La forme personnalisée au patient : à proposer lorsque la rupture de communication est sévère et durable.
La mise en place d'un outil palliatif de communication est une urgence !
Un classeur personnalisé doit être construit avec le patient et son entourage familial. Ce classeur le suivra lors de sa sortie de la structure et le relais des adaptations sera pris par l'orthophoniste libérale. (4)
Un support de communication ne peut être figé. Sa forme reflètera les étapes de la vie de la personne aphasique.
Auprès "du", ou "des" partenaires familiaux :
Un outil de communication doit tenir compte du désir de maintien des échanges de la part du partenaire de la personne aphasique. Un outil palliatif ne rétablira pas ce qui n'était pas là avant l'AVC, il ne pourra refaire du lien qu'à partir d'un lien pré-existant.
Il est proposé à un moment délicat de l'histoire des partenaires : l'irruption de l'AVC, le handicap bouleversent l'équilibre relationnel qui se trouve malmené. Avec l'aphasie les codes ont changé, un univers chaotique s'est imposé : plus rien n'est comme avant, avec un épuisement des ressources psychologiques de l'aidant. La demande de réparation est insistante, axée sur les équilibres du passé : « Je veux que tout redevienne comme avant » ou «J'attends de pouvoir l'accueillir comme il était avant ». Et dans les aphasies sévères, le deuil du langage ne se fait pas non plus. Pourtant le rôle du soignant, du rééducateur, est de « les aider à devenir comme après » (Guy Ausloos) (1), de les accompagner.
Le classeur de communication est l'outil de « maintenant ». Il repose sur la conscience et l'acceptation du handicap. Il est l'outil du patient et de son partenaire.
Il demande un travail de construction et de personnalisation qui doit être fait en commun : définir les thèmes d'échanges, adapter l'outil c'est-à-dire apporter les modifications nécessaires sur les planches de la forme de base ou construire les planches spécifiques : famille, amis, environnement, modifier la forme générale (séparer le classeur en petits classeurs par thèmes : Familles / amis à côté du téléphone, Alimentation dans la cuisine ) ou toute autre adaptation. (3)
Il est à noter que des stratégies spontanées se construisent, et même si les blocages, douloureux, s'imposent dans le cas des aphasies sévères, un équilibre qui soulage se dessine. Au bout de plusieurs mois voire un an ou deux après l'AVC, proposer un autre système de communication peut-être vécu comme un retour en case départ ou une action qui réclame une énergie au dessus de forces déjà bien malmenées ...
Auprès d'une autre institution (maison de retraite) :
Le travail de sensibilisation et d'information des partenaires institutionnels et les adaptations spécifiques de l'outil sont ici encore indispensables pour une utilisation réussie et une circulation efficace d'informations malgré les troubles aphasiques. (2)
Pour aller plus loin :
1 Ausloos, G. La compétence des familles. Temps, chaos, processus (pp.31-32).Paris: Eres. 2010
2 CHARTON-GONZALEZ I, PETIT H, GAUJARD E, MUNIER N. Aspects pragmatiques de l’installation de l’outil palliatif de communication CCOM dans un établissement de médecine physique et de réadaptation fonctionnelle. 18 novembre 2005 ; Saragosse.
3 GONZALEZ I, BRUN V. Communications alternatives et suppléances fonctionnelles. In : MAZAUX JM, PRADAT DIELH, BRUN V. 09 mars 2007; Montpellier. Aphasies et aphasiques. Rencontres en rééducation ; ELSEVIER-MASSON 2007 : 251-261
4 Charton-Gonzalez, I., Petit, H., Munier, N.,Gaujard, E.(2005). Aspects pragmatiques de l’installation de l’outil palliatif de communication C.COM dans un établissement de Médecine Physique et de Réadaptation Fonctionnelle. In : Actes du VIII Congrès Transpyrénéen de Médecine Physique et de Réadaptation 2005 : 64
5 GONZALEZ I, MARCHETTI S, PETIT H, MUNIER N, JOSEPH PA. Démarche de validation d’une approche réadaptative de la communication dans l’aphasie sévère : PHRC APHACOM . In : Rééducation Orthophonique Recherche en orthophonie-logopédie et identité professionnelle, 2014 ; 257 p. 143-153
6 GONZALEZ I, MARCHETTI S, PETIT H, MUNIER N, JOSEPH PA. Pour contourner les troubles aphasiques : les classeurs de communication – De l’incapacité à la réparation. In : Mazaux JM, Pradat Dielh P, Brun V. 07 mars 2014; Montpellier. Communiquer malgré l’aphasie. Rencontres en rééducation ; ELSEVIER-MASSON 2014.